Colère des éleveurs, entre détresse et …… démagogie !
La colère des éleveurs s’appuie sur cinq facteurs expliquant leur malaise. Si, à première vue, nous pourrions y être sensibles, en fouillant, en grattant un peu, il y a quand même à la crise actuelle de l’élevage une part de responsabilité à mettre à l’actif de la profession elle-même, de la FNSEA surtout et en particulier de Xavier BEULIN.
Si on reprend un à un ces cinq facteurs de malaise, nous pourrions en faire une analyse plus objective, proposant une approche globale, systémique, responsable, citoyenne et humaniste.
-1. Le manque de reconnaissance.
Si le Salon de l’Agriculture, malgré la présentation idyllique d’une agriculture qui n’a pas grand chose à voir avec les réalités quotidiennes des exploitations qui élèvent dans des conditions concentrationnaires des herbivores qui ne mangent plus d’herbe, ou de céréaliers occultant de nous montrer l’usage massif de pesticides et d’engrais de synthèse, et visant à préserver une image d’Epinal du paysan qui n’existe plus, permet de renouer des liens avec les citadins, les manifestations musclées de la FNSEA écrasant des ragondins en ville, pendant des sangliers ou des veaux morts aux grilles des préfectures, ou dégradant les équipements publics, en toute impunité d’ailleurs, participent à creuser un fossé qui ne cesse de s’approfondir entre l’agriculture et le reste de la société.
Ce qu’occultent aussi les agriculteurs dans leurs mouvements d’humeur, c’est le poids de l’argent public mobilisé pour venir en soutien de leur activité. Et quand autant d’argent public (11,5 milliards d’euros via la PAC) est fléché vers des acteurs économiques, il installe, de fait, un contrat moral avec la société. Or, les dégâts de ce modèle sur les équilibres, les ressources et l’eau en particulier, les biodiversités sauvages et domestiques, le climat et la santé, ce sont encore les contribuables qui doivent en supporter la réparation des dégâts sur l’ensemble de ces enjeux. Exemple : il faut chaque année mobiliser, par la fiscalité, 54 milliards d’euros pour retirer les pesticides et les nitrates utilisés par l’agriculture (qui en amont a déjà perçu 11,5 milliards d’euros de la PAC !) pour obtenir de l’eau potable.
Et ne nous laissons pas endormir par les messages d’évolution vertueuse distillés par Christiane LAMBERT. Le bilan d’écophyto 2018, qui prévoyait la réduction de 50 % des pesticides entre 2008 est 2018 est édifiant : hausse moyenne de 5 % par an entre 2008 et 2013 de l’usage des pesticides par l’agriculture française, augmentation de 9 % pour la seule année 2013. Nous sommes loin d’une dynamique allant vers la réduction ! Ils sont où les efforts annoncés par Christiane LAMBERT ? Même constat pour les nitrates, qui nous conduit directement vers une condamnation par l’Union Européenne, dans le cadre de la Directive Cadre sur l’Eau. Et qui va payer les astreintes? Et malheureusement, les mêmes constats sur les enjeux de biodiversité, de climat et de santé.
Difficile donc d’obtenir l’adhésion du reste de la population, et encore moins la reconnaissance, avec de telles pratiques.
-2. Le manque de stratégie des pouvoirs publics.
Alors que les quotas laitiers proposés en 1984 par la Confédération Paysanne ont été obtenus dans l’adversité, adversité conduite d’ailleurs par les mêmes (FNSEA) que ceux qui aujourd’hui en réclament le maintien, la régulation du marché laitier est aujourd’hui menacé par les règles (ou les non règles d’ailleurs) du libéralisme du marché mondial, plongeant les éleveurs paysans, artisanaux, proposant des produits du terroir et authentiques dans une crise sans précédent. La potentielle mise en place du TAFTA risque bien d’accentuer encore davantage, de façon dramatique, la détresse des éleveurs.
La réforme de la PAC de 2013, si elle a permis de sanctuariser l’enveloppe fléchée vers la France, a manqué une chance historique de réellement réorienter ces aides vers les pratiques agricoles les plus vertueuses, dont les éleveurs auraient pu être les grands bénéficiaires en préférant une attribution sur la base des emplois engendrés par les activités (plutôt que sur la base des surfaces qui fait la part belle aux plus vastes exploitations) et sur la base de pratiques résolument favorables au respect des équilibres, des ressources et de l’eau en particulier, des biodiversités sauvages et domestiques, du climat et de la santé, ayant également la vertu de limiter les coûts externalisés de pratiques ayant un impact négatif sur ces enjeux.
Il y a là une explication bien plus pertinente que le rôle de l’embargo russe, tellement des quantités importantes sont encore importées pour satisfaire le marché national. Donc plutôt que de vendre notre viande en Russie et importer massivement de la viande de l’étranger, satisfaisons le marché intérieur, et l’embargo russe n’aura que peu de répercussions sur l’économie agricole française.
-3. L’empilement des normes.
Dans le pays d’Europe le plus grand bénéficiaire d’aides publiques de la PAC, premier consommateur de pesticides et d’engrais de synthèse par hectare au monde, dont le coût des dégâts occasionnés par ces pratiques est supporté par les contribuables, il est difficile, lorsque la loi cherche à en atténuer les effets, d’entendre des professionnels qui se respectent et qui devraient respecter les concitoyens contribuables, encore parler de « contraintes », environnementales par exemple, alors qu’il ne peut être question que d’obligations.
-4. Le manque de transparence de la répartition des marges.
Les éleveurs ont vu leurs marges stagner ces dernières années, alors que les prix à la consommation ont augmenté. Entres les deux, industriels et distributeurs se renvoient la balle. Les éleveurs, qui pratiquent la vente directe, voient la différence dans la répartition de la marge. La demande de transparence, de laquelle pourrait découler une meilleure rémunération du producteur, reste donc un combat qu’il faut prolonger et gagner.
-5. Des responsables professionnels dépassés par la base.
Conséquence directe d’un début de prise de conscience de ce sublime paradoxe.
Le patron de la FNSEA, premier syndicat agricole, Xavier Beulin, qui discute avec le ministre, est président de la multinationale Sofiprotéol, propriétaire de plusieurs marques agro-alimentaires, dont l'une des filiales à 100%, la société Farmor (Glon-Sanders), à Guingamp, qui à la fois fournit cet aliment qui plombe le prix de la ration pour produire du lait et de la viande avec des herbivores qui ne mangent plus d’herbe, et qui importe des centaines de milliers de tonnes de poulets industriels brésiliens produits dans des conditions ignobles. D'une main, j'envoie mes éleveurs de volailles faire des actions commandos, d'une autre, je les étrangle avec un coût de ration prohibitif et j'importe en masse, ce qui les conduit à la ruine. Tout un symbole des aberrations de notre époque. Une question historique se pose alors, qu'est-ce que ce monsieur fait à la table des négociations? Stéphane Le Foll pourrait être un grand ministre de l'Agriculture, dommage qu'il n'ait pas l’audace de faire ce qu'il sait devoir faire : retirer le stylo à la FNSEA pour enfin encourager un modèle agricole durable, responsable, citoyen et humaniste, conforme aux attentes de la société.
Pour enfin sortir de ces impasses, les pouvoirs publics doivent concentrer leurs efforts sur :
-1. La réduction des marges bénéficiaires des intermédiaires pour améliorer la rémunération des producteurs.
-2. Profiter du bilan de santé à mi-parcours de la PAC, pour véritablement et significativement réorienter la PAC vers les modèles les plus vertueux, préférant retenir les critères de main d’œuvre aux critères de surfaces pour distribuer les aides, dont les éleveurs tournés vers des modèles herbagés seraient inévitablement les grands bénéficiaires.
-3. En contrepartie, dans une forme de réciprocité, exiger une réorientation des productions agricoles qui reviendraient vers des fondamentaux agronomiques, hier appelés « bon sens paysan », allumant des cercles vertueux, permettant des avancées significatives sur :
-3.1. La réduction de l’usage des substances de synthèse, grâce à un modèle agronomique autonome sachant mobiliser des ressources parfaitement gratuites et parfaitement inépuisables (azote atmosphérique, carbone, lumière, vie des sols, biodiversité, etc.), sur des herbages proposant une ration équilibrée en énergie et en protéines, sans avoir recours au maïs asséchant nos cours d'eau et au soja OGM venu de l'autre bout de la planète, remplissant ses vocations territoriales de stockage et d’épuration de l’eau avant qu’elle rejoigne le littoral, tout en restant des formidables zones de séquestration du carbone, participant à lutter contre le changement climatique.
-3.2. La re-création de liens au terroir, avec des herbivores qui mangent de l’herbe, proposant des produits à hautes valeurs organoleptiques, redonnant du sens à nos signes officiels de qualité.
-3.3. L’entretien de zones prairiales à forts enjeux patrimoniaux, hébergeant une vaste biodiversité faunistique et botanique, préservant la qualité de l’eau, et proposant des paysages remarquables, tout en œuvrant en direction d’une forte ambition pour le bien être animal.
Cette crise de l’élevage est en réalité une crise des modèles, de laquelle il est possible de sortir en revenant aux fondamentaux.
Benoît BITEAU
(Gérant fondateur)
Ingénieur des Techniques Agricoles.
Conservateur du Patrimoine Technique, Scientifique & Naturel.
Lauréat 2009 du trophée national de l'agriculture durable.
E.A.R.L Val de Seudre Identi'Terre
Ferme conservatoire & écocitoyenne
Certifiée Agriculture Biologique.
28, route de Berthegille
"
Berthegille"
17600 SABLONCEAUX
06 30 01 31 36
seudre-identiterre@orange.fr
http://www.val-de-seudre-identi-terre.com
Vice-Président de la Région Poitou-Charentes
Président de la commission: "Ruralité, Agriculture, Pêche & Cultures Marines".
stéphanie MUZARD
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